Updated: 9/1/2014 | 2:21:50 AM
Le Têt, nouvel an lunaire, est là dans deux semaines. Il n’est pas de tradition plus enracinée chez les Vietnamiens que le Nouvel An Lunaire, avec ses rites et traditions, et fêté par tout un chacun, indépendamment de son obédience religieuse, tant au pays natal que par la diaspora vietnamienne, fût-ce en Patagonie septentrionale.
Les pétards éclatant à minuit pile, la présentation (à genoux, dans la famille de l’auteur !) des vœux des enfants aux parents au matin du 1er jour de l’an nouveau, les offrandes aux ancêtres durant 3 jours au minimum, la jolie enveloppe d’étrennes à tous (en billets craquant neuf si faire se peut), et les plats servis durant les 3 jours de fête, omniprésents : porc au caramel, banh tét (nommé banh chung au Nord), condiments confits au nuoc mam, pastèque, et fruits confits. Qui ne s’en souvient, qui ne pratique ces rites ne serait-ce qu’épisodiquement, chez les Vietnamiens ? Tant d’anciens JJR ont raconté de belle manière dans Good Morning cette fête, dont les frères Nguyên Ba (Nghi et Dàm), JJR 63 et 64, que nous allons simplement évoquer les victuailles de base du Têt dans ces lignes. A tout seigneur, tout honneur : le porc au caramel et au jus de coco accompagné de « pickles » vietnamiens (thit kho nuoc dùa dua gia). Il n’y a pas plus représentatif de la cuisine familialo-traditionnelle vietnamienne que ce plat qui varie en puissance et en goût selon « la » cuisinière car l’élément féminin, « ministre de l’intérieur » - nôi tuong - en est responsable pour cette fête: en valeur émotive, son correspondant français serait simultanément la blanquette de veau, le confit de porc ou d’oie, et le bœuf bourguignon, pour ne citer que ces plats tous fort goûteux. Et le porc au caramel ne l’est pas moins, car comme son nom ne l’indique pas, il est certes au caramel - autrefois renforcé en couleur par un colorant naturel fourni par le commerçant chinois du quartier, le fameux nuoc màu - mais également et surtout au nuoc mam dilué au jus de coco, auquel on rajoute selon les goûts familiaux un rien – ou plus si affinité - de gingembre, et un peu d’ail, sans oublier pour 5 kg de porc au moins deux douzaines d’œufs de cane préalablement cuits durs et écaillés, plongés dans le bouillon pour une jolie coloration. Simple, n’est ce pas ?Têt? tout simplement parce que ce plat étant mijoté, il suffit de le réchauffer, et la cuisine est faite (pas question de travailler durant le Tet, croyance oblige !),le thit kho étant d’office servi avec le banh tét .Banh tet du sud ; en haut à droite, banh chung découpé Le dernier plat présenté lui arracha une expression de surprise : c’était un simple paquet de feuilles de bananier enveloppant du riz gluant farci à la chair de porc, à la purée d’haricots, et au gras, le tout cuit à l’étuvée. Le roi goûta le plat et le trouva tout à fait à son goût. L’auteur du mets - celui resté seul au palais - expliqua à son roi et néanmoins père que pour lui, le mets parfait est celui dérivant directement de la céréale du pays la plus cultivée : le riz. Cette remarque d’une grande sagesse politique enchanta le roi, qui le désigna comme successeur, car comme chaque Vietnamien le sait, « manger » se dit localement « manger du riz »,an com. Glorifier le riz est donc mettre en exergue la richesse rizicole du pays. Mais ce que l’auteur du mets qui l’a fait roi plus tard n’a pas mentionné à son royal papa,toujours selon la légende, c’est que l’idée de ce plat simple lui avait été soufflée à l’oreille...par une fée ! Il existe des variantes du banh tét–banh chung dans chaque région vietnamienne, la plus visible étant la forme: cylindrique au sud, carrée au nord. Un plat auquel il faut penser à mettre les formes, en somme.Gouté froid, tiède, ou chaud, selon les goûts de chacun, il est souvent accompagné de ...porc au caramel ! La boucle est bouclée. Sans oublier, encore une fois, les germes de soja au vinaigre et les « pickles » faits de morceaux d’agrumes et de cucurbitacées (navets, carottes etc.) séchés puis mis en saumure (nuoc mam dilué, sucre, a il, le tout bouilli avant d’y introduire les morceaux d’agrumes)quelques mois avant la consommation. A l’heure actuelle, dans les deltas du nord (Fleuve Rouge)comme du sud (Mékong) on peut jauger encore les talents culinaires d’une femme vietnamienne à sa manière de préparer le banh tét–banh chung. Et c’est encore valable à l’étranger, car nous connaissons l’épouse d’un JJR 64 vivant à Toulouse qui prépare un banh tét (elle est du sud, pas loin de Thu Duc, à 11 kms de Sài Gon) absolument délicieux pour son mari comme pour ses amis. C’est souligner la complexité de ce plat paraissant si simple et savoureux mais nécessitant un bon tour de main. Le rouge du titre du présent article en « bandeau »,en haut, rappelle expressément la couleur de la chair de la pastèque, fruit présent dans tous les foyers durant les 3 jours du Têt. C’est le fruit du Nouvel An lunaire par excellence. Les milliers de tonnes (une bonne pastèque ne pèse pas moins de 3 kilos,Parlons-en, du banh tét-banh chung. Est-il encore un ancien JJR qui ignore la légende sur son origine ? Un des rois mythiques fondateurs du Vietnam, sixième roi Hùng Vuong, était fort préoccupé par sa succession. Ses 22 fils étaient en effet tous dignes de monter sur le trône, et en désigner un n’était pas une mince tâche. Il décida de demander à chacun des successeurs poten-tiels de lui rapporter le meilleur mets du pays. Et les jeunes princes d’enfourcher leur cheval et de sillonner le royaume, qui pour chercher le meilleur volatile digne d’être préparé pour la table royale, qui pour trouver les épices les plus finesUn seul était resté au palais, et réfléchissait. Le jour de la présentation des mets arriva, et on vit défiler sur la table royale les plats les plus raffinés. Le roi devenait de plus en plus perplexe et de moins en moins sûr de son choix futur. certaines dépassant les 5 kilogrammes) de ce fruit garnissant les étals des marchés partout en cette période sont une des visions marquantes des rues vietnamiennes les jours précédant le Nouvel An. Son avantage est de rafraîchir et de désaltérer naturellement, car en cette saison, la saison dite fraîche (25°C au sud quand même !) laisse la place à une température plus chaude. De surcroît, l’origine de ce fruit est belle, et elle est relatée par une belle légende vietnamienne présentée séparément dans le présent numéro de Good Morning (voir « Lalégende de la pastèque »).Etal de pastèques sur un marché, période du Têt Et pour terminer ce bref parcours des mets de base du Têt, n’oublions pas les fruits et agrumes tropicaux confits, que tous les visiteurs durant le Têt se voient offrir sur un joli plateau, en compagnie de thé vert, thé au jasmin ou au lotus ; les ingrédients en sont innombrables, illustrant la palette fruitière/agricole du pays : ananas, tamarin, pomme-cannelle, corrossol, gingembre, graines de lotus,prunes de Dalat, citrouille, fruit du jaquier, pour ne citer qu’eux. Et c’est en grignotant ces fruits confits que les enfants entament leurs interminables parties de « bâu cua ca cop » (« courge, crabe, poisson, tigre »),nom d’un jeu de hasard local pratiqué usuellement durant le Têt dans toutes les familles et déjà joliment évoqué par Nguyên Ba Dàm (JJR 64) dans un texte du Good Morning d’il y a un an. Sans parler des fruits frais – au nombre de 5 variétés, comme les 5 éléments de base de l’univers - qui figurent sur un plateau destiné à l’autel des ancêtres, le fameux « mâm ngu² quà » ! Le Têt ? Comme disent les Vietnamiens, on ne le célèbre pas, on le « mange » ! Et Bonne Année du Cheval !
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